L’Institut congolais pour la conservation de la Nature a rendu publique le rapport de l’évaluation préliminaire des conséquences de l’éruption du volcan Nyiragongo, le jeudi 03 juin 2021 après une études profonde faite d’arrache-pied par l’équipe technique. Ce rapport renseigne ceux qui suivent :
Le volcan Nyiragongo est entré en éruption le samedi 22 mai à partir de 18h jusqu’environ 02h du matin le lendemain (fin de la progression de la lave). Les coulées descendirent en deux directions depuis différentes fentes sur le flan du volcan : vers le Nord Est en direction du Rwanda et vers le Sud en direction de la ville de Goma. La première coulée a coupé la RN2 qui relie Goma à Kiwanja/Lubero/Butembo/Beni (l’axe routier principal de la province) sur une longueur de 800m. Celle-ci est impraticable jusqu’à nouvel ordre et coupe ainsi le QG du parc à Rumangabo d’un accès routier à la ville de Goma.
La seconde coulée s’est arrêtée dans les faubourgs de Goma à 500m de l’aéroport international. Ce dernier n’a pas été touché mais est fermé en raison de la présence de cendres dans l’air. Cette seconde coulée de lave a détruit plusieurs centaines d’habitations sommaires (des milliers de personnes sont sans abris). Une quinzaine de gardes et touristes ont passé la nuit au-dessus du volcan durant l’éruption. Ils ont pu redescendre au petit matin sans encombre.
L’éruption du volcan a généré une panique importante parmi la population. Des dizaines de milliers de personnes ont fui vers le Rwanda (qui a ouvert sa frontière aux personnes à pied) et vers la localité de Sake (à l’Ouest de la ville). La majorité de ces personnes ont à présent regagné leur domicile. Le décompte officiel fait état de 14 victimes : 9 personnes qui tentaient de fuir la progression de la lave et 4 prisonniers tués lors d’une tentative d’évasion de la prison. A cette heure, la lave ne progresse plus mais l’activité sismique demeure très importante. La présence de poches de gaz en feu est constatée à plusieurs endroits de la ville. Les vulcanologues n’excluent pas une nouvelle éruption (moins importante que la première le cas échéant) mais jugent celle-ci peu probable. Conséquences sur le programme d’électrification Les deux coulées de lave ont gravement endommagé la ligne électrique qui relie la centrale hydroélectrique de Matebe à la ville de Goma. Cette dernière et l’ensemble des localités situées sur la ligne ne sont plus alimentées par la centrale. La ville de Goma a perdu 70% de son alimentation en énergie (dans les quartiers pauvres et industriels essentiellement). Les travaux suivants apparaissent nécessaires pour rétablir la fourniture d’énergie à court et moyen terme (état des lieux préliminaire) :
- Ligne moyenne tension Il s’agit de la colonne vertébrale de la distribution d’électricité. La ligne a été coupées sur deux tronçons de 1200m et 1500m (soit une vingtaine de poteaux). Cette étendue est trop large pour tirer un câble au départ de deux poteaux situés de part et d’autre de la coulée de lave. Une mesure temporaire consisterait à installer des poteaux en eucalyptus espacés de 50m sans trouaison du sol. Ce dispositif peut être mis en œuvre en 15 jours maximum et rester opérationnel 6 mois maximum. Le lancement des travaux est tributaire de la rapidité du refroidissement de la lave (inconnue à ce stade). Le coût estimé est d’environ 80.000 USD. Dans un second temps, la reconstruction définitive de la ligne sur les deux tronçons coûtera environ 150.000 USD. 2. Sous-station à l’entrée de la ville La sous-station de Munigi n’a pas été touchée en tant que telle car la lave a été stoppée par le mur d’enceinte construit en pierre volcanique. La température extrême a pu endommager les équipements. Le cas échéant, leur remplacement coûterait environ 250.000 USD. L’utilisation de la sous-station de la société SOCODEE SARL à proximité pourrait représenter une solution temporaire. Les discussions en ce sens ont été initiées. 3. Réseau de distribution dans la ville Le réseau de distribution dans les quartiers Nord de la ville a été détruit. Les dégâts sont limités à une ou deux zones. Sa reconstruction pourrait osciller entre 150.000 et 300.000 USD (un diagnostic plus précis sera nécessaire). 4. Ligne haute tension La ligne a été gravement endommagée avec une dizaine de pylônes détruits sur 4km. L’enjeu n’est pas immédiat car le chantier n’était pas terminé. Des délais pourraient représenter un problème en cas de saturation de la ligne moyenne tension. Le coût du remplacement des pylônes détruits est estimé à 630.000 USD. Ce premier diagnostic est sujet à révision quand l’accès sur les différents sites sera plus aisé. La priorité sera donnée à la rénovation de la ligne moyenne tension qui conditionne l’accès à l’électricité pour l’ensemble de la ville.
Sur le plan des recettes, les pertes des ventes d’électricité pour Virunga Energies SAU se chiffrent à 16.000 USD par jour. Conséquences sur l’activité touristique L’activité touristique sur le volcan Nyiragongo est suspendue jusqu’à nouvel ordre en raison notamment des nombreuses fissures apparues dans la roche.
Le moment venu, une rénovation des chalets sur le volcan devra être menée à bien. L’ascension du volcan étant une des deux destinations-phares du parc, cette situation aura immanquablement un impact sur l’ampleur de l’activité touristique. La fermeture temporaire de l’aéroport de Goma – aussi sujette aux aléas de l’état de siège décrété par les autorités – est aussi susceptible de perturber la venue des touristes. Plusieurs annulations pour les semaines à venir ont d’ores et déjà été reçues. Impact pour la population La suspension de la fourniture d’électricité à la ville de Goma et aux localités rurales avoisinantes a des conséquences immédiates sur : - 9500 ménages (et environ 3000 supplémentaires sur le réseau de SOCODEE SARL) ; - 500 petites et moyennes entreprises ; - 2 stations de pompage qui alimentent environ 500.000 personnes en eau (sujettes aux aléas des délestages de la SNEL) ; - 350.000 personnes bénéficiaires de l’éclairage public ; - de nombreux hôpitaux obligés d’allumer leurs groupes électrogènes. Le fort ralentissement de l’activité touristique aura des conséquences négatives sur un secteur qui bénéficiait d’une relance modeste mais réelle après plusieurs crises sanitaires (Ebola et Covid-19) ainsi que sécuritaires (enlèvement de deux touristes en 2018 et proclamation de l’état de siège).
rapport ICCN
01 Octobre 2024
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