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Les chimpanzés développent de mystérieux rituels

RTEC Edition

Un vaste programme scientifique mené par des primatologues germaniques a permis de découvrir un tout nouveau comportement chez nos cousins chimpanzés qui semblent présenter des formes de culture primitive spécifique à seulement quelques troupes de l'Afrique de l'Ouest. Cette découverte vient bouleverser nos connaissances et notre perception d'une possible culture voire d'un imaginaire symbolique chez nos plus proches parents.

Une grande campagne d'étude éthologique sur les chimpanzés

Et si cette découverte récente, faite grâce aux travaux des primatologues du « The Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology the 'Pan African Programme : The Cultured Chimpanzee'  pour le compte du « German Centre for Integrative Biodiversity Research » de l'Université de Leipzig, faisait écho à ce que furent les premières traces d'une forme de culture chez Hominina (c'est à dire notre propre lignée celle des hominidés) ?

Depuis plusieurs décennies (et notamment en raison des découvertes faites par Jane Goodall et ses collaborateurs voici près d'un demi siècle), l'utilisation de divers outils, qui divergents suivant les lieux et les ressources disponibles) pour subvenir aux besoins des chimpanzés (Pan troglodytes) est avérée : recours à des pierres pour écraser des noix, confections de tiges de brindilles pour récupérer fourmis et termites... La différence majeure entre ces comportements et les découvertes initiées par le programme est que cette fois il ne semble pas co-exister de lien entre appropriation des ressources et utilisation d'objets.

Depuis 2010 des chercheurs de l'Université de Leipzig, tels que Hjalmar KuehlChristophe Boesch ou Ammie Kalan, ont collecté de nombreuses données via le programme « The Cultured Chimpanzee » sur une large partie de l'aire de répartition de l'espèce à partir d'un réseau. Ce dernier est soutenu par de nombreuses collaborations notamment avec les autorités locales de protection de la vie sauvage et inclut 39 sites répartis sur 14 pays de l'ouest et du centre du continent et se base sur des données multiples : géographiques, comportements sociaux et “culturels”, ressources disponibles, variations génétiques.

Grâce à ces travaux, une nouvelle facette du comportement des chimpanzés a été mise en lumière :  certaines troupes des territoires de l'Afrique de l'Ouest utilisent des zones apparemment choisies où sont localisés des arbres précis présentant notamment des troncs creux, pour ce qui semble être des rituels de stockage de pierres spécifiques.

Les scientifiques ignorent encore quelle est la signification exacte de tels comportements de même qu'ils ne savent pas non plus depuis combien de temps ils sont réalisés, d'autant que ces rituels ne se retrouvent que chez certaines troupes de chimpanzés pas forcément voisines (même si elles se concentrent toutes dans  globalement la même région géographique).

Une approche scientifique se voulant la moins « intrusive » possible

Nombre de ces troupes de chimpanzés n'ont eu jusqu'alors que des interactions limitées voire nulles avec les humains. Voulant conserver un maximum cet état de fait, les scientifiques allemands ont opté pour une étude basée notamment sur des caméras de détection de mouvement qui s'enclenchent dés lors qu'un animal pénètre dans leur champ de portée. Ces dites caméras « piège » ont été implantées dans des zones très diverses, et ont ainsi permis de capter ces comportements jamais relatés jusqu'ici.

A la base de cette découverte, c'est la curiosité qu'à provoqué chez les scientifiques l'observation de monticules de grosses pierres rassemblées dans le cœur de tronc creux ou dans des sites précis où elles semblaient avoir été réunies, notamment sur le site de la Chimbo Foundation en Guinée Bissau. Les chercheurs allemands ont alors équipés ces dits sites de caméras « espions », et ont dévoilé, grâce à ces images, l'origine d'un tel phénomène.

Comme on peut le constater sur la vidéo ci-dessus les chimpanzés amènent de lourdes pierres amassées puis les lancent dans ou à côté des troncs qui semblent donc choisis, en accompagnant ce « rituel » de puissantes vocalises, ce qui tend à démontrer que cette action vise à être connue au moins des autres membres de la troupe.

La majorité des images capturées montrent des mâles adultes effectuer ces actions, ce qui pousse les scientifiques à suggérer que cette action pouvait avoir pour les primates une valeur symbolique illustrant leur place dans le groupe comme lors de leurs démonstrations de force, notamment en cas de conflit, où les grands mâles arrachent branchages et jettent pierres et autres éléments en poussant là aussi de puissants cris pour faire étalage de leur puissance ou marquer leur territoire (ce qui évite également souvent de conflits physiques directs). Mais de nouvelles images ont contredit cette idée puisque des femelles et même des juvéniles ont opéré le même « rituel ».

En tout cas, ce comportement ne semble avoir aucun lien avec des activités visant à trouver ou exploiter des ressources (les pierres et les arbres choisis ne sont pas plus abondants dans cette région de l'Afrique de l'ouest qu'ailleurs).

Selon Christophe Boesch le directeur du département de primatologie de l'Université : "Cette étude rapporte un nouveau comportement chez les chimpanzés qui était jusqu'ici inconnu et met en lumière le potentiel du PanAf project pour découvrir de nouvelles facettes encore non dévoilées de la vie des chimpanzés, notre parent vivant le plus proche. Comme ce comportement d'accumulation de pierre ne semble pas être lié soit à l'abondance de pierres ou à  la disponibilité des arbres appropriés dans une région, il est probable qu'il ait une signification culturelle".

Cette révélation nous permet en tout cas de nous questionner sur les origines des premiers reliquats de ce qui est assimilé comme des manifestations culturelles chez les premiers hominidés, qui prirent également des formes semblables comme l'accumulation de pierres en des zones précises.

Un exemple précédent de forme de « culture » spécifique avait déjà été relaté il y a deux années, avec l'observation d'un effet de « mode » instauré par une femelle chimpanzé prénommée Julie qui commença à se parer d'une brindille dans l'oreille. Ce geste fut par la suite repris par les autres membres de son groupe. Ce comportement pourrait lui aussi faire écho à une forme de symbolique où la tendance reprise pourrait être extrapolée à l'appartenance à un groupe et à la « culture » qui lui est liée.

Un programme ouvert aux citoyens du monde entier

Le programme se positionne également en faveur des sciences participatives (à l'image d'un programme comme Vigienature en France) puisque les visiteurs sont invités à visionner les images des différentes caméras « espion » et à rendre compte de possibles nouvelles observations similaires ou autres comportements remarquables via un site web dédié : Chimp&See

Ce type de programme ne concerne d'ailleurs pas uniquement les chimpanzés mais d'autres espèces emblématiques comme les éléphants, les gorilles, les léopards, les buffles et bien d'autres espèces parfois moins connues.

 

Source: notre-planete.info

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